Dichotomie

Dichotomie vient du grec "couper en deux" et que j'emploie ici dans le sens de division en deux contraires.
Pourquoi un tel mot ? Pour qualifier la société française et son évolution en cours.
Bien sûr la réalité est plus complexe, mais néanmoins, il y a présomption de dichotomie.
La société semble se diviser en deux. D'un côté celles et ceux qui sont dans le train et qui avancent ; de l'autre, ceux qui s'ancrent dans les bas-côtés.
Nous pensons tous à l'opposition riches-pauvres. Et c'est vrai qu'à côté d'un groupe social d'exclus, on a des patrons, pardon, des employés affectés au poste de PDG, de plus en plus payés, des artistes riches à foison, des footballeurs et autres sportifs surfant sur des sommets quasi-indécents.
Mais la caractérisation de la société dichotomique ne s'arrête pas là.
La deuxième caractéristique tient à l'absence de fluidité entre groupes sociaux. Quand vous êtes pauvres, vous le restez et vos enfants le seront ; quand vous êtes riches, cela ne fait que s'aggraver, pour vous et les générations qui suivent sont bien parties pour faire de même. Ainsi, retrouve-t-on ce phénomène dans l'historique social des jeunes intégrant les meilleures écoles de France ; l'origine est de plus en plus mono-typé. Or, les grandes écoles forment de bons éléments, mais bien pire encore, elles donnent un billet d'entrée dans la classe dirigeante.
Troisième caractéristique, c'est le clonage. Quand, vous êtes dans la classe dirigeante, issue d'une certaine histoire sociale et estudiantine, vous recrutez des jeunes qui vous ressemblent. Ça marche, alors pourquoi prendre des risques (en recrutant Mohamed et son master ? et même Frank et son DEA ?), le risque d'un échec mis au passif du recruteur quand la concurrence internationale ne tolère que peu les faux-pas.
La quatrième caractéristique tient à ce que cela ne s'arrête pas aux riches et aux pauvres. Ainsi, la reproduction de classe fonctionne à plein. Si vous êtes à La poste, vos enfants seront postiers. Si vos parents ne sont pas dans la batellerie, votre chance (statistique) d'y rentrer est quasi-nulle. Nous trouvons donc dans le même train que le riche, un peu plus à l'arrière, une famille de fonctionnaires, dont chacun des salaires est modeste mais dont la somme permet d'affronter la vie et qui ne sont ni concernés par le chômage, ni concernés par la cotisation retraite.
Enfin, la cinquième caractéristique tient à ce que l'on n'écoute plus celui qui a quelque chose à dire. On écoute seulement celui qui est légitime. Le ministre ne porte aucune attention aux propos du citoyen, seul son égal a le droit à la parole. La question n'est pas "qu'avons-nous à dire ?" mais "qui sommes-nous pour le dire ?". Et ainsi, l'élite se coupe de celles et ceux qu'elle est censée représenter.

Je crains que cette vue de la société ne soit pas une vue de l'esprit.

CAJJ