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Regard politique : entre Regards & Politique
5 juin 2007

Sarkozy et l'Ena : la rupture ?

Le mode gouvernemental français est caractérisé par la dominante énarchique, c'est-à-dire par la présence hyper-affirmée aux postes de décisions d'anciens élèves de l'ENA.

Les énarques sont des gens brillants, dont la capacité intellectuelle est du meilleur niveau. Leur formation et leurs parcours professionnels leur ont donné une compétence élevée à l'administration publique. Aussi, leur capacité à endosser les vêtements d'un Ministre est-elle incroyablement supérieure à la moyenne des hommes politiques.
Ils sont, le plus souvent, des recrues de grande qualité. Et bien quoi, alors ?
Ce qui pose problème, ce ne sont pas les énarques pris individuellement mais l'existence d'une oligarchie. Autrement dit ce qui pose problème c'est la présence affirmée des anciens de cette prestigieuse école à de nombreux postes importants de l'institution républicaine. En effet, leur omniprésence impose une gouvernance particulière et à bien des égards inefficaces.
L'ensemble a été magnifiquement illustré par John Saul dans son ouvrage les bâtards de Voltaire. Les énarques sont des enfants illégitimes de la révolution des Lumières. Mal digérée, mal comprise, cette révolution qui a mis la raison au coeur du fonctionnement de notre civilisation, en lieu et place de la tradition, engendre des Titanic, des monstres d'intelligence aux pieds d'argile. Pourquoi ? Parce qu'un modèle est affirmé comme exact, non pour sa pertinence mais en raison de son fondement : un raisonnement structuré, développé et logique. Aussi, nos énarques ont l'outrecuidance de vouloir mettre la réalité dans leur modélisation, héritière de siècles de recherche et de mise au point. Sauf que la réalité n'est jamais incluse dans le modèle ; le modèle n'en donne qu'une représentation partielle. Il facilite le travail (l'expérimentation intellectuelle, la manipulation d'hypothèses et d'inputs) sur la réalité mais ne saurait être confondu avec cette dernière.
Ainsi en est-il des 35 heures. Le raisonnement était brillant. Même la droite ne s'est pas risquée à s'y opposer vigoureusement, faute de démonstration éclatante. Seulement, voilà, si le modèle était intellectuellement brillant, la réalité beaucoup plus complexe a fait voler l'ambition en éclats quand bien même tout le monde s'accordât à dire que le principe de réduction du temps de travail était un constituant des progrès de l'humanité.
Les énarques sont des intelligences supérieures mais hémiplégiques ; elles n'ont qu'une seule partie du cerveau de développer.
En 1995 Chirac Président et énarque avait un Premier ministre énarque (Juppé), un président de l'Assemblée énarque (Philippe Séguin), un Secrétaire général de l'Elysée énarque (Dominique de Villepin), etc. Aussi, lorsque le Président émettait une idée, ceux qui l'entouraient avaient la même formation intellectuelle avec laquelle ils croient à leur supériorité indépassable ; il n'y a donc plus personne pour émettre une interrogation ou pire une critique car ils pensent fondamentalement qu'on ne peut être que d'accord sauf à être de mauvaise foi ou défendre des intérêts catégoriels.
Sans être en nombre pléthorique, les énarques ont été de ceux qui comptent : Fabius, Rocard, Jospin, Balladur, Chirac, Juppé, de Villepin sans compter les Séguin, Hollande, Royal, ... Depuis 1981, soit 28 ans, ils ont occupé l'Elysée 12 ans sur 28 ans et ont compté 7 des 11 Premiers ministres de la période.
Il faut ajouter que nombre d'entre eux rencontrent une limite. Serviteurs de l'Etat, élèves de ses professeurs, ils sont des techniciens de haut niveau ; s'ils sont capables d'administrer un ministère avec rigueur, beaucoup sont incapables de devenir un homme politique, c'est-à-dire capable non pas de bien gérer le système actuel (de l'éducation, de l'emploi, de la défense, ...) mais d'en inventer un autre.
Le gouvernement actuel ne compte que deux Ministres énarques (hors Secrétaire d'Etat) : Alain Juppé et Valérie Pécresse tandis que François Fillon et Nicolas Sarkozy n'en sont pas.
Est-ce une rupture ? Il semblerait. Est-ce un progrès ? Au gouvernement et à ses ministres de le démontrer mais rien ne saurait remplacer des orientations de qualité définies au sommet de l'Etat.

 

CAJJ

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