La transmission - ASFJ [III]
Transmettre les savoirs et les compétences c’est penser « au comment »
de leur transmission. Les apprentissages scolaires ne relèvent pas
seulement d’une simple inculcation. Pourtant, l’accès à une culture
universelle est un impératif des sociétés démocratiques. C’est le
paradoxe sur lequel se bâtit la réflexion pédagogique. L’école doit
articuler, en un mouvement créateur d’humanité, l’intime et
l’universel, l’histoire singulière de chacun et les trésors de notre
culture : Lascaux et le calcul infinitésimal, Gandhi et l’arbre à
palabres, Homère et Einstein, Hérodote et Mozart… La plupart des
pédagogues n’ont cessé de répéter que le maître doit accompagner, mais
jamais faire à la place de l’élève. Apprendre n’est pas facile à
réduire aux catégories traditionnelles de la causalité : car c’est
chercher à faire quelque chose que l’on ne sait pas faire en le
faisant. Il s’agit d’une décision que personne ne peut prendre à la
place de quiconque. L’école sert d’abord « à faire » la société.
L’analyse historique des fonctions de socialisation culturelle de
l’école montre que les savoirs scolaires sont des constructions,
permettant selon les cas le contrôle des populations, la promotion
sociale, la compétition économique… et « par surcroît », la
transmission des connaissances. L’explosion des technologies de la
communication facilite la circulation des informations à l’intérieur et
à l’extérieur de toutes les organisations. Mais méfiance quant à
l’usage abusif de ces dernières…
Transmettre les cultures et leur identité c’est évoquer la transmission
des identités religieuses. Adhérer à une religion est s’inscrire
traditionnellement dans une lignée croyante et en transmettre
l’enseignement. Mais cette exigence se heurte, dans les sociétés
occidentales, au refus d’adhérer aux communautés instituées et aux
traditions exclusives. Cette contradiction se manifeste de deux
manières opposées : éclectisme et sectarisme. L’idée de transmettre une
culture, une religion, une tradition est souvent comprise comme une
reproduction à l’identique de ce que l’on a soi-même reçu, de ses
ascendants ou de ses maîtres. Cette signification, centrée sur la
fidélité au modèle et la conservation de l’héritage ne retient qu’une
partie des phénomènes observés dans les sociétés humaines. Transmettre
une tradition c’est faire un choix présent.
Transmettre la mémoire et le patrimoine c’est savoir comment les traces
du passé, lointain ou proche, acquièrent le statut d’objet de notre
patrimoine culturel. Tout un processus est nécessaire dans lequel la
transmission prend la forme d’une « filiation inversée ». La valeur
donnée à l’objet par ceux qui l’ont crée nous a été, à l’occasion de sa
découverte, transmise. Nous l’avons reçue, en quelque sorte, en
héritage et, par là même, nous en sommes désormais les bénéficiaires.
La mémoire collective, élément essentiel de l’identité des groupes
sociaux, fabriquée en fonction des enjeux du présent, a longtemps été
liée en France à la construction nationale. Depuis quelques décennies
pourtant, chaque groupe revendique sa propre interprétation du passé.
Mais mémoire et histoire resteront toujours reliées par le même cordon
ombilical qui se nourrit du passé pour expliquer aux hommes du présent
quel avenir ils doivent se construire…
ASFJ