La politique et la fuite de la mémoire collective

J'ai souvent entendu des citoyens commenter un résultat électoral en disant que les électeurs n'avaient pas de mémoire. Il y a une vérité dans ce propos.
C'était à l'été 2000, nous étions en pleine Coupe d'Europe des nations de football avec la bande à Deschamp-Zidane. Mon jeune collègue, néanmoins "féru" de ballon rond –avec lequel je partageais mon repas à la cantine d'entreprise– devisait avec moi sur les commentateurs du foot. Avec stupéfaction, il découvrit à travers mes propos que le journaliste Jean-Michel Larqué avait joué au football, pire que je le désignais comme prédecesseur de Michel Platini. Pour la petite histoire, il a même remporté 7 titres de champion de France avec St Etienne.
Ce jour-là, j'ai compris ce qu'était l'absence de la mémoire.
Cette année-ci, c'est la coupe du monde de rugby. L'émotion et le partage envahissent la rue. Mais avec la découverte populaire du rugby, on ne sait pas que le Président de la ligue nationale de rugby, Serge Blanco est un ancien rugbyman. Et pourtant, il nous aura fait rêver. Oui, il y a eu 1999 et la victoire champagne en demi-finale contre les Néo-zélandais. Mais, il y a eu tout autant la splendide victoire contre l'Australie lors de la demi-finale de 1987 et un Blanco relanceur magnifique. Seuls deux pays au monde ont participé à 5 demi-finales de coupe du monde : les Blacks, bien sûr, mais la France est cette deuxième nation.
Que se passe-t-il pour que cette mémoire nous fasse tant défaut ?
L'explication est toute démographique. Chaque année, nous connaissons 830.000 naissances et 530.000 décès. Au bout d'un septennat, le corps électoral se voit modifier de 9 millions d'électeurs environ. Cela veut dire que 20% des électeurs qui ont changé. En 1995 pour Chirac –sur les bases énocées– on a 11 millions d'électeurs qui n'ont pas participé à l'élection de Mitterrand de 1981 et 7 millions y ayant participé qui sont décédés.
Alors oui, le Général de Gaulle n'est plus, pour les jeunes générations, qu'un chapitre au programme d'histoire comme le dit son arrière petite-fille, Nathalie de Gaulle, sur le plateau de France 3 animé par Marie Drucker.
C'est ainsi. Et l'on comprend mieux la difficulté du devoir de mémoire, on mesure la grandeur de l'ambition "devoir de mémoire". Nous devons tous faire attention que celui qui nous écoute, surtout s'il est jeune, ne connais pas ou pas aussi bien le passé que nous avons croisé. Il paraît opportun de dépasser l'implicite et de dire les choses. C'est aussi une des ambitions de ce blog.
En attendant, je nous souhaite une belle demi-finale contre les Anglais qui ont prouvé, "rappelons-le", face aux Australiens que les champions du monde en titre sont bien là.

CAJJ