Embauche et discrimination
Il y a la discrimination effective des recruteurs : pas de femme, pas de black-beur, pas de sénior.
Mais il y a de la discrimination induite.
Le modèle de fonctionnement du recrutement français
On constate deux dimensions qui mènent le décideur recruteur
:
1) recherche de l’opérationnalité immédiate
2) système décisionnel : garbage can
La recherche de l'opérationnalité immédiate est le fait pour
un recruteur de vouloir que son recruté soit opérationnel dès le premier jour,
sans formation. Cela relègue au dernier rang la potentialité du candidat. Les
formations qui apportent une solide formation dite théorique sont inopérantes
au regard des modes du marché de travail.
Pire encore, les cabinets de recrutement doivent un nouveau
recrutement gratuit à leur client en cas d'échec d'intégration du candidat
retenu ; pour éviter l'échec, la solution est simple, ne sélectionner que des
candidats ayant pratiqué le même poste dans une entreprise très semblable.
Le modèle de décision garbage can consiste à prendre la première décision satisfaisante et non la meilleure décision. Concrètement, elle consiste à retenir la première(s) candidature qui convienne et non pas comparer toutes les candidatures entre elles et analyser les alternatives de profils.
Le clonage comme résultat
Le résultat est le clonage, c'est-à-dire le fait de
privilégier les solutions qui ont fait leur preuve dans le passé.
Si l'on a toujours embauché des titulaires d'un diplôme
d'école de commerce –qui sont sociologiquement gaulois- et que ça a toujours
fait l'affaire, alors le bronzé diplômé de la fac est peu aller se rhabiller,
c'est perdu d'avance pour lui.
De plus, arriver au bon moment, à la bonne heure est une
option sur le succès. Bien sûr, les grandes entreprises ont leur long protocole
(qui tend à se raccourcir, ça coûte cher et ce n'est pas plus efficace quand
c'est long). Mais pour une plus petite entreprise, le recruteur-responsable de la RH demandant à son voisin-entreprise
(jugé comme légitime) s'il n'aurait pas un candidat pour le poste, peut s'arrêter
au premier candidat s'il convient.
Que dire du clonage comme pratique de recrutement
Le clonage c'est opérationnalité, la discrimination, la négation de la
potentialité, de l’évolution et du transfert de
compétence. C'est un appauvrissement à long terme des entreprises françaises.
Quelle leçon pour le demandeur d'emploi
Pour être efficace, le demandeur d'emploi doit cibler les
postes qui lui sont connus ; loin de chercher à montrer sa différence, il faut
un CV et un entretien qui rassure le recruteur en disant que ce poste nous est
connu.
Si l'on cherche du travail pour évoluer, ce qui est logique
mais en partie interdit dans notre pays, alors il y a lieu de blinder ses
atouts. Le "je suis capable" ne vaut rien ; seul compte le "j'ai
déjà fait" même si c'est j'ai déjà mal fait.
Comment élargir le champ des possibles du recruteur
français
Pour répondre à la question de comment faire autre chose que
du clonage, il nous faut revenir sur le fondement de ce mode de fonctionnement.
La France est le seul pays au monde à développer ce
comportement pervers. La cause vient du fait que les recruteurs ont le sentiment
qu'une fois engagé, le recrutement les lie pour la vie et que le licenciement
est impossible. Alors, de peur de se tromper, le mot d'ordre est "reprendre
une solution qui fonctionne et surtout ne rien essayer d'autre".
Pour sortir de l'ère du clonage, je ne vois que deux
possibilités :
- entrer dans une période de pénurie de main-d'oeuvre qui
contraindra les recruteurs à prendre ce qu'il y a,
- dépasser la barrière du licenciement impossible en facilitant les départs
à l'initiative du salarié et de l'employeur, et par la même fluidifier le marché de travail (augmenter les changements d'entreprises et de poste, donner de la mobilité mais la rendre aisée). En ce sens, je me demande si la
rupture de contrat à l'amiable ne va pas provoquer une révolution des
mentalités.